Alors que la liste des Etats et territoires non coopératifs (ETNC) vient d’être mise à jour (arrêté du 26 février, publication JO du 4 mars 2021), le Parlement européen souhaite, sous l’impulsion d’Evelyn REGNER (Députée européenne autrichienne, Vice-présidente de la Commission des affaires juridiques et membre la Commission des affaires économiques et monétaires) et d’Iban GARCIA DEL BLANCO (Député européen espagnol, membre de la Commission des affaires juridiques), élargir ses moyens d’actions pour conserver l’impôt au sein de l’Union.
Premier outil de lutte contre la fraude fiscale et le blanchiment de capitaux, cette liste « noire » (éditée pour la première fois le 12 février 2010) dénombre encore 13 États/Territoires* et voit cette année les Bahamas et Oman céder leur place à la Dominique et Palaos. Son objectif est d’inciter les pays visés, à travers des coopérations, à faire évoluer leur législation locale qui induit encore des pratiques fiscales abusives. En attendant que la liste retrouve sa virginité, les particuliers/entreprises établis dans un ETNC continueront de faire l’objet de mesures fiscales très défavorables**.
Si les disparités fiscales existantes entre les pays de l’union (et hors union) font le jeu de certains, elles contrarient la justice fiscale, génèrent des distorsions dans les mouvements de capitaux, entraînent des pertes budgétaires et déséquilibrent les conditions de concurrence.
Si l’estimation du préjudice lié à l’évasion fiscale reste difficile, l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE) estime que la perte pour les pays se situerait entre 86 et 207 milliards d’euros par an. En France, le Syndicat Solidaire Finances Publiques évalue le coût de l’évitement et de la fraude fiscale entre 80 à 100 milliards d’euros.
À l’heure où la crise sanitaire de la Covid-19 frappe de plein fouet l’Europe et le reste du monde, les pays creusent considérablement leur dette en tentant d’endiguer au mieux cette pandémie. On comprend donc que la lutte contre l’évasion et la fraude fiscale soit plus que jamais un enjeu majeur de souveraineté et de redressement des comptes publics.
En ce sens, Iban GARCIA DEL BLANCO a mis en avant « le besoin de toute urgence d’une transparence financière significative pour lutter contre l’évasion fiscale et le transfert de bénéfices » et a rappelé que « la confiance des citoyens dans nos démocraties dépend de la contribution de chacun à la relance ».
L’évasion fiscale, dont la frontière avec l’optimisation fiscale reste souvent mince au regard des montages financiers complexes mis en place, est particulièrement ciblée par le Parlement européen. Dans l’espoir de voir disparaître des pratiques telles que le « Double irlandais » et le « Sandwich hollandais » ou encore la planification fiscale agressive, les « 27 » aspirent à un accord sur de nouvelles mesures.
La proposition issue d’un plan d’action de l’OCDE et complétée par le Parlement vise à imposer aux multinationales dont le chiffre d’affaires annuel dépasse 750 millions d’euros qu’elles fournissent une déclaration fiscale annuelle en détaillant les éléments clés par juridiction fiscale, que ces informations soient communiquées aux juridictions fiscales hors Union européenne et que les rapports annuels des multinationales soient consultables gratuitement dans un Registre public tenu par la Commission européenne.
Cette transparence permettrait de mettre chaque pays de l’union sur un pied d’égalité et de savoir qui doit s’acquitter de quoi et où.
Enfin, tout en incluant une protection autorisant (au travers d’une clause de sauvegarde des données sensibles des entreprises) une société à différer la divulgation de certaines informations qui pourraient mettre à défaut sa position commerciale, les députés aimeraient voir les multinationales communiquer de nouveaux éléments tels que les subventions publiques perçues, le traitement fiscal préférentiel, les actifs fixes, le capital déclaré ou encore le nombre d’employés à temps plein.
Les enjeux étant identifiés et les propositions avancées, les négociations avec les représentants des gouvernements devraient s’ouvrir prochainement.
*13 ETNC : Iles Vierges britanniques, Anguilla, Panama, Seychelles, Vanuatu, Dominique, Fidji, Guam, Iles Vierges américaines, Palaos, Samoa américaines, Samoa, Trinité et Tobago.
**conséquences fiscales : – prélèvement libératoire (taux de 75%) pour les produits des placements à revenu fixe (comptes courants d’associés, intérêts des obligations, etc.) versés à une personne établie dans un ETNC. – Refus d’accès au régime mère-fille (permettant l’exonération d’impôt sur les sociétés à hauteur de 95% de ses revenus) pour les sociétés établies dans un ETNC désireuse de versés des dividendes à une société établie en France.
Références :
https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFARTI000043210326
https://www.vie-publique.fr/eclairage/271437-la-lutte-contre-levasion-fiscale-internationale
https://www.legifiscal.fr/actualites-fiscales/2709-paradis-fiscaux-liste-mise-jour.html